Quelles sont nos réponses à la soif de reconnaissance ?
La soif de reconnaissance est la deuxième des soifs fondamentales de l’être humain, après la soif de structure et avant celle de stimulation-action.
Quelles sont les réponses dont chacun de nous a besoin pour se sentir bien dans son activité professionnelle ? Il est de notoriété publique que l’administration française, comme beaucoup d’entreprises, accuse un déficit important en termes de reconnaissance positive. Généralement, les gens ne reçoivent d’observation que s’ils ont commis une erreur (parfois sans savoir laquelle, ni où, ni quand, ni comment…), et le reste du temps, rien, puisqu’ils “sont payés pour faire leur travail”, ce qui est une vision très étroite de la vie en société. Or donc, quels sont les réponses dont chacun d’entre nous a besoin pour nourrir sa soif de reconnaissance ? Comme pour la soif de structure, elles sont variables, et à des degrés variables, selon notre structure de personnalité.
Être reconnu dans sa valeur personnelle.
Certaines personnes, en général généreuses, chaleureuses et attentionnées, ont besoin d’être reconnues en tant que personne, qui existe, qui compte, qui est appréciée et aimable aux yeux des autres. Elles ont besoin d’une relation humaine avec les autres, qu’on les salue, qu’on leur sourie, qu’on remarque et apprécie leur présence et l’attention qu’elles accordent à l’autre et à la qualité conviviale de l’ambiance en général. Elles ont en effet besoin de travailler dans un cadre agréable et on peut compter sur elles pour améliorer l’ordinaire et le rendre chaleureux (plantes vertes, tableaux, gâteaux…).
Être reconnu dans la qualité de son travail.
Certaines personnes, qui possèdent de manière quasi subliminale les vertus de la méthode et de l’organisation, ont plutôt besoin d’être reconnues pour la qualité de leur travail et les responsabilités qu’elles assument. Les reconnaître, c’est respecter leur espace de travail, leur donner les informations objectives et fiables dont elles ont besoin pour produire un travail de qualité, et leur donner un cadre précis et clair (objectif mesurable, temps planifié, date butoir…) dans lequel elles peuvent donner toute leur puissance.
Être reconnu dans son besoin de contact et de jeu.
Certaines personnes s’épanouissent dans l’inattendu, la surprise, le décalé. Elles n’ont pas peur du ridicule, qui les amuse, et sont très créatives dans leur façon d’appréhender les choses et le monde. Elles ont besoin d’être reconnues et acceptées dans leur façon d’être assez libre, dans le décalage de leur esprit par rapport à la norme, dans leur besoin de contact rapide et stimulant avec les autres. L’ennui et la routine les étouffent. En revanche, comme des joueurs de tennis qui s’entraînent au mur, elles ont besoin d’un contact et d’une stimulation externe qui les fasse réagir et les mette sous tension. Une idée, une opinion les fait réagir, s’exprimer et innover. Alors, leur cerveau pétille et les idées jaillissent comme des bulles de champagne. C’est la qualité de leurs idées, la force de leur créativité qu’ils aiment voir reconnues et appréciées.
Être reconnu pour son implication et son investissement.
Tels des coureurs du 100 mètres haies, certaines personnes savent se donner à fond sur un projet à court terme, mais s’épuisent assez vite sur la durée, car elles ont besoin d’en visualiser la fin dès le départ. Elles ont besoin qu’on reconnaisse leur investissement, leur enthousiasme et leur ouverture d’esprit dans un projet collectif, pour pouvoir donner toute leur mesure. Le résultat souvent leur importe beaucoup moins que la somme d’énergie qu’ils y ont investis, et c’est la reconnaissance de cette énergie versée au projet commun qui leur importe.
Être reconnu pour son charisme et la qualité de son leadership.
Certaines personnes, telles Henri IV et son panache blanc, ou le joueur de flûte de Hamelin, savent naturellement prendre la tête des opérations et conduire les autres en lieu sûr. Elles ont conscience de leur mission ou de leur rôle de leader. Elles se sentent responsables, informées, intuitives et savent prendre en charge des équipes et des situations difficiles, et y apporter des solutions. Elles peuvent se montrer des chefs innés et stimuler les autres ; elles ont simplement besoin, pour se sentir puissantes, d’être mises en avant et reconnues pour leur valeur : « regardez-moi… », « suivez-moi », et « faites comme moi ». Être reconnu comme quelqu’un d’important, être considéré. Pour ces personnes, la « fama », la notoriété est une nourriture importante.
Être reconnu dans son besoin de défis ou de challenges.
Certaines personnes ont besoin de ressentir des stimulations fortes pour se sentir exister. Du défi, du challenge, de la difficulté à vaincre les fait vibrer et développer toute leur potentialité. Elles ont un don pour la mise en valeur des événements, et savent mettre beaucoup d’énergie pour gagner et réussir. Elles savent prendre des risques et au saut du lit, peuvent avoir trois nouvelles idées en tête. Il leur faut agir, sinon elles dépérissent. Un problème ? Non, une stimulation : elles vont faire quelque chose pour le résoudre, et mettre en œuvre un talent caché.
Être reconnu dans le bien-fondé de ses valeurs.
Certaines personnes sont motivées par des valeurs qui, à leurs yeux, transcendent la réalité et génèrent le progrès. Ces valeurs sont la source de leurs motivations et de leur engagement, et elles apprécient que ces valeurs soient respectées par les autres et peut-être partagées. Les contredire sur ce point est vécu parfois comme une négation de qui elles sont. De ce fait, ce qui est important pour elles est la confiance qu’on leur accorde, justifiée par leur sens de l’observation du devoir et de la loyauté. On peut compter sur elles.
Être reconnu dans son besoin d’espace personnel et de solitude.
Certaines personnes ont une capacité naturelle à s’isoler mentalement et psychiquement pour construire des réflexions et des projets à long terme. Leur créativité s’épanouit dans le vide et le silence, et elles ont besoin qu’on leur reconnaisse cette faculté de retrait pour se sentir bien. Elles apportent bien souvent une réflexion calme, ciblée, une analyse puissante au cours d’un débat, ce qui fait en général progresser d’un bond tout le groupe. Ils ont simplement besoin qu’on les laisse tranquille, dans leur grotte.
Quelles sont nos réponses à la soif de stimulation-action ?
Les réponses possibles à la soif de stimulation-action et créativité sont elles aussi diverses et variées. Chacun peut là aussi, trouver différentes réponses adaptées à ce besoin.
Apprendre.
Pour de nombreuses personnes, la possibilité de découvrir des choses nouvelles, d’apprendre, des autres, de la vie, sur soi, sur les autres, sur le monde est une stimulation importante. Chaque jour, apprendre des choses nouvelles est une stimulation importante pour nombre de bibliothécaires qui ont l’avantage, de ce point de vue, de voir passer entre leurs mains de nombreux documents et d’être en contact avec force personnalités différentes. Un écrivain célèbre disait qu’il ne se couchait jamais sans avoir appris quelque chose de nouveau.
Réussir.
Dans la satisfaction de réussir, il y a celle d’atteindre ses objectifs, mais aussi celle d’être arrivé au bout de quelque chose. On y trouve la notion d’achèvement, celle d’apaisement après la tension de l’effort, qui a pu durer des semaines, des mois, des années, en fonction du projet à mener à bien.
Créer.
Dieu, dit la Genèse, créa le monde en sept jours. Ce plaisir sans faille de celui qui crée un objet, une mélodie, une œuvre, de ses mains, de son cerveau, à partir de rien ou d’autre chose. Le plaisir aussi de transmettre dans un langage particulier, et de faire partager aux autres, son message ou sa vision particulière du monde. Selon l’exemple des sept muses grecques, traduire, exprimer, sortir de soi et donner à voir, entendre, sentir, à travers la peinture, la musique, l’écriture, la danse, le théâtre, une émotion, un ressenti, sa propre perception du monde.
Inventer, innover.
Faire des projets, inventer le futur sont des stimulations propres à quitter le quotidien et à se lancer dans l’aventure. Les chercheurs, les inventeurs, qui jalonnent de leurs découvertes la marche du progrès, ont la satisfaction de se sentir contributeur du bien-être collectif. Faire avancer le progrès, le délassement, la joie, le confort, l’instruction, la connaissance, la santé des autres grâce à ses propres inventions.
Jouer.
Le plaisir du jeu est un plaisir bien ancré en nous depuis l’enfance. C’est celui de s’amuser, parfois d’un rien, de jongler avec des mots, des idées, des situations, des personnages, de faire des liens parfois improbables… C’est également celui de stimuler son cerveau, avec des exercices comme remplir des grilles des mots croisés, de sudoku, etc.
Relever un défi.
Certaines personnalités se sentent particulièrement stimulées par tout ce qui relève du défi : les paris, les « pas chiche que tu es capable de… », qui leur demandent de faire appel à des ressources personnelles d’ordinaire sous employées ou sous-exploitées. « Faire ses preuves », « montrer de quoi je suis capable », « arriver à la force de mes poignets », toutes aptitudes fort prisées dans la culture nord-américaine. C’était aussi le point de vue de Jean Giraudoux, dans La Guerre de Troie n’aura pas lieu, qui avait noté que les situations de guerre étaient propice à l’émergence de héros.
Maîtriser.
Beaucoup de personnes apprécient le fait d’avoir la maîtrise d’un projet dans son ensemble. Il donne le sentiment de maîtriser les choses de A à Z, de pouvoir contrôler l’ensemble et donc de pouvoir intervenir si nécessaire en cours de route.
Laisser sa marque.
Ce besoin de laisser sa marque, une trace de son passage dans un lieu et un temps donné est assez répandu et on le trouve beaucoup chez les personnages publics : tels les pharaons, certains édiles ou chefs d’État n’ont de cesse d’avoir une bibliothèque, une réalisation grandiose à leur nom, une sorte de signal, qui perpétue leur souvenir à travers les âges. C’est le désir d’immortalité, celui de laisser son empreinte, lors de son passage sur terre.
Toute la capacité des uns et des autres à vivre harmonieusement en société réside pour beaucoup dans l’aptitude à ne pas projeter ses propres réponses aux trois besoins fondamentaux sur les autres, ni à croire qu’ils ont besoin des mêmes réponses que nous. Les réponses à ces soifs sont diversifiées et la reconnaissance de cette différence invite à l’attention à l’autre et au respect de la différence.
Il faut retenir également que si les réponses individuelles à ces besoins sont déficientes, si la personne est en famine psychologique, elle risque de passer sous stress, et ses talents, c’est-à-dire le côté face de la pièce de monnaie, risquent d’évoluer vers le côté pile de la même pièce de monnaie, c’est-à-dire les défauts…
Marielle de Miribel.