Du partage du délire au passage à l’acte
Senrei ou l’héritage des sœurs Papin
Lorsque Kazuo Umezu publie son œuvre Senrei entre 1974 et 1976 ; jusqu’à la toute fin de sa parution épisodique, les lecteurs penseront être face à une histoire horrifique choquante sans y repenser à deux fois quant à la potentielle réalité pouvant s’en dégager. Un récit aussi improbable ne pouvait que prêter à se faire des frayeurs, à y trouver un réservoir de sensations fortes sans pour autant remettre en perspective nos notions de la réalité. C’était sans compter le talent de Umezu pour subvertir les attentes de ses lecteurs. La conclusion du récit n’avait plus rien d’horrifique, elle était psychanalytique. La clinique peu développée au Japon alors, la réception par le lectorat fut empreinte d’une incompréhension certaine. Pour le lecteur, il est certain que face à ce dénouement, apporter un semblant d’explication médicale peut dissiper l’horreur et l’angoisse liées au déroulé du récit. C’est la même chose que pour le cinéma d’horreur. Tant que la bête reste tapie dans l’ombre, l’angoisse du spectateur est toujours présente. Dès que l’on montre ce qu’il y a derrière le rideau, tout se dissipe et le sujet ressent même une certaine frustration. En effet, il n’est jamais agréable de croire que l’on a été pris pour un imbécile. Pourtant dans un second temps, particulièrement dans le cas de Senrei, on se rend compte que l’explication clinique d’un fait l’ancre dans la réalité. Et c’est cet ancrage qui rend la chose bien plus angoissante avec le temps.
Maximilien Ribardière-Tubiana