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Freud et le Crime (1/3)

Article de Marina Kousouri – Psychologue Clinicienne

 

 Introduction        

 

Comment la souffrance insoutenable d’un homme peut-elle soudain le contraindre à tuer, telle une nécessité fatale ? C’est la question que nous avons posée pour les crimes suscités par l’idéal, notamment les crimes d’honneur, en Grèce contemporaine, qui précisons le, ne ressortissent pas au droit pénal mais à un ensemble de lois non écrites partagées par un groupe social. Pour l’individu qui recourt à des actes violents, il s’agit de laver dans le sang l’honneur de son nom qu’il estime offensé. La contribution de la psychanalyse à la criminologie passe trop souvent par la convocation récurrente d’une sorte de déficit symbolique apte à rendre compte du passage à l’acte criminel du sujet psychopathe. Cette question exige au préalable de comprendre ce qui contraint le sujet à élever le crime à la dignité du devoir absolu. Nous l’avons posée d’abord à Freud, et nous avons constaté que même si ce dernier n’a pas élaboré une véritable théorie du crime – il nous est même apparu étrangement silencieux sur ce sujet – nous avons découvert que personne mieux que lui n’a su prendre en compte la dimension tragique de l’existence humaine. Son dessein n’est pas de procéder à une expertise judiciaire du criminel mais de forger l’outillage conceptuel qui permettra d’introduire le crime dans la pensée psychanalytique au même titre que la sexualité, c’est à dire en qualité d’objet scientifique. L’intérêt qu’il nourrit pour le crime est donc aux antipodes de l’enquête policière : il ne s’agit pas de démasquer le coupable, mais comprendre le sens de son acte. En plaçant le surmoi au fondement de la culpabilité, Freud livre une conception inédite de la mélancolie qui scelle, selon nous, la dimension tragique de la psychanalyse tout autant que son destin même. La mélancolie révèle en effet le versant tragique de l’existence humaine et prend la forme d’une dette contractée à jamais par le sujet vis à vis de lui-même. Autour de cet engagement irréversible, prospèrent le sentiment de culpabilité et la fonction de l’idéal qui exacerbe les exigences du surmoi. Si les origines de cette instance féroce demeurent incertaines, elles ne sont cependant pas dépourvues de toute historicité. La seconde topique la qualifie ainsi de « pure culture de pulsion de mort ». Au final, le surmoi se présente comme une sorte de garant de l’ordre introduit par Freud non pour rétablir un état antérieur mais pour le récréer. En suivant Freud dans sa démarche nous constatons que Freud se sert du crime pour fonder l’inconscient et, loin d’introduire « la morale » dans le psychique, nous dirige vers une généalogie de l’idéal qui débouche sur une généalogie de la culpabilité, directement liée à ce qu’il nomme « l’hypocrisie de la culture ».

 

                       La mise en scène du père mort et le rapport permanent au crime

 

Au commencement était l’acte, un acte criminel qui fonde l’inconscient de sorte que sans la considération de Totem et tabou, la pensée freudienne devient insaisissable. Freud nous donne l’impression qu’il se sert de l’acte criminel, le meurtre du père, et qu’il recourt aux notions de totem et tabou pour fonder sa théorie de la culture. La figure du père mort incarne le nom en vertu duquel le sujet respecte la loi du groupe et rend possible la signification psychanalytique de la socialisation de l’être humain. Le mythe du parricide originaire et du repas totémique mobilisé par Freud propose moins une narration des origines qu’un accès au fantasme du névrosé qui témoigne de son existence d’être social. Mais Freud, soucieux de rompre avec la vision métaphysique du monde, a veillé à ne pas se laisser enfermer dans une philosophie du sujet exclusivement vouée à la spéculation et à la théorie pure. Bien au contraire, il a toujours tâché de maintenir un dialogue fécond avec les autres sciences et de décloisonner les savoirs afin de sortir la clinique de l’injuste isolement où la maintenaient les préjugés et l’ignorance. Il n’a d’ailleurs jamais douté que l’avenir de la psychanalyse était irrémédiablement lié à l’évolution scientifique et à l’extension du champ des connaissances[1]. Ce qui est sans doute intéressant et souligne un rapport permanent au crime originaire, c’est que Freud a posé de manière phylogénétique les origines du symbolique en postulant l’existence d’un donné antérieur même à l’inconscient. De « cette humanité originaire », « les séquelles actives se trouvent dans les langues mais aussi les mœurs et les superstitions » (P.-L. Assoun, 2007, p.25. Cette « langue d’origine », commune à tous les êtres humains, est utilisée par l’inconscient qui en déforme les signifiants en symboles divers tolérés par la censure. Ce qui est affirmé de manière magistrale, c’est « l’idée d’une sexuation originaire de la langue » (Ibid.). Pour Freud, en effet, l’homme éprouve l’exercice de la parole comme une « nécessité ». Le passage à la symbolisation relève donc pour lui aussi de l’ordre de l’obligation irrésistible.

 

                    La criminologie freudienne ou une mythologie criminelle ?

 

En même temps, de prime abord, les matériaux dégagés des textes freudiens sur le crime semblent pauvres et lacunaires. Après un intérêt initial pour le crime, Freud abandonne cet objet d’étude (J.-M. Labadie, 1995), au fur et à mesure que se développe le savoir psychanalytique. Il apparaît ainsi que la psychanalyse, pour s’être penchée sur l’acte criminel, ne l’a jamais véritablement abordé dans sa réalité. Comment interpréter le fait que d’un côté Freud crée une véritable théorie du crime sur le parricide qui structure l’édifice métapsychologique, et que de l’autre il ne se prononce sur le crime en tant qu’acte qui s’impose brutalement à l’autre ? Son silence est à ce sujet assourdissant. En outre il est avéré par Jones que Freud n’a jamais rencontré de criminel. Ce constat est sans doute imposant, et il faut se demander pourquoi Freud se tait face à la criminalité. « D’ailleurs, force est de remarquer tout de suite qu’à l’époque de la consécration lombrosienne, Freud parcourt de tout autres plages scientifiques que l’anthropologie, que si les deux hommes se sont croisés en quelque congrès, ils ne se connaissaient pas, et que c’est seulement bien après la mort de Lombroso que Freud y fera allusion, deux fois en sa correspondance, et encore sans lui prêter grande importance » (J.-M. Labadie, 1995, p. 178), souligne Jean-Michel Labadie pour nous faire apercevoir par ses travaux détaillés, que le silence freudien dans une époque où la criminologie a sa place, se situe « dans l’analogie du crime originaire et du crime réel, et pourtant dans leur totale différence de nature. C’est en cela qu’il se tait ».

 

Mais s’il est vrai que Freud néglige quelque peu l’analyse du criminel dans ses travaux, c’est que son œil clinique le porte avant tout à considérer le crime comme un objet scientifique. Il ne se situe pas dans une logique judiciaire : il s’agit moins de brosser le portrait-type du criminel que de tenter d’isoler l’intention qui l’a poussé à l’acte. La criminologie, orientée vers l’analyse et la prévention de la criminalité, vise à améliorer le fonctionnement de la justice pénale : commissions d’experts réunies à l’initiative des gouvernements, création de la Société Internationale de Criminologie qui représente plus de cinquante nations et qui siège à Paris, etc. (G. Picca, 1983, p. 19). La logique freudienne se démarque tout à fait d’une telle approche[2].

 

Il faut donc suivre Freud dans sa démarche pour en saisir les enjeux et pouvoir dégager un axe de recherche. Tout d’abord, à travers ses textes, Freud nous paraît soucieux de fonder des concepts clairs et définis de sa discipline prête à se défendre contre les malentendus théoriques et « la malveillance » (S. Freud, 1925, p. 129) voire contre le « goût de la polémique » à son égard. De toute manière « polémiquer ne mène à rien », et Freud fidèle à son destin, propose une nouvelle conception de l’homme, « uni » par sa division que met en place l’inconscient. Dans cette problématique il lui importe peu de connaître l’auteur effectif du crime. Pour lui l’essentiel est de tenter d’isoler le processus qui rend cet acte inévitable, et pour cela il s’éloigne du « lieu » du crime et invente comme nous avons vu, un mythe, le parricide originaire, pour nous faire apercevoir cette réalité criminelle qui veille en chacun. Du coup, le criminel perd son « statut d’exception » et à travers cette complicité criminelle qui annonce Totem et tabou, participe à la même humanité unie par la culpabilité. Au commencement était l’acte, et pas n’importe lequel nous dit Freud, un acte criminel qui structure d’emblée toute la pensée freudienne comme la condition sine qua non de l’humanisation. Condition surprenante voire audacieuse qui nous conduit aux origines de la culture pour faire entendre la résonance de cette métaphore dans l’inconscient. L’humanisation est nécessaire et le crime inévitable, et la culture cette « lignée infiniment longue des meurtriers » (S. Freud, 1915), est sujette au malaise chronicisé et condamnée pour toujours à une culpabilité inconsciente et collective. La culpabilité hante notre « réalité psychique »[3] pour témoigner à chaque reprise de l’héritage phylogénétique du parricide et dévoiler ses origines. Nous sommes ainsi conduits à penser la culpabilité sous un angle particulier, à savoir qu’il n’y a de clinique que de la culpabilité. La culpabilité messagère des Dieux comme Iris, scelle la preuve de l’humain, conséquence inévitable du passage de la nature à la culture.

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  1. Il faut dire que l’époque qui voit naître la psychanalyse est marquée par un débat épistémologique qui met aux prises la méthodologie des sciences de la nature et celle des sciences de l’esprit. En effet, le champ scientifique du 19e siècle a vu, ne l’oublions pas, la montée des « humanités ». L’ambition de Freud excède de beaucoup la création d’une simple méthode psychothérapeutique qui viendrait s’inscrire, à la suite des autres, dans les manuels de psychiatrie. Elle dépasse également la simple prétention philosophique.
  2. La criminologie est un champ des recherches, depuis maintenant plus d’un siècle, où le crime est un objet d’études. Cette science nouvelle trouve ses origines au Congrès International d’anthropologie criminelle qui a eu lieu à Rome en 1885 et la paternité de cette science est attribuée au médecin C. Lombroso, au magistrat R.Garofalo et au sociologue E.Ferri. Mais, toujours selon les recherches de Professeur Labadie, « rien n’interdit de penser qu’avant même son officialisation existèrent des réflexions sérieuses sur le thème de la criminalité », comme les travaux de F.Voisin en 1838 devant l’Académie de médecine sur la malformation des crânes de la plupart des délinquants examinés.
  3. Terme introduit dans Totem et tabou aussitôt avec le meurtre du père

     

     

     

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Alexandre Arnette, 24 ans

"Un apprentissage intégratif de la Psychologie dans sa véritable dimension sociale."
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2019-04-10T15:57:36+02:00
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5.0
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« Je suis étudiante à la SFU en 1ère année de Master. Ce que j’apprécie le plus dans cette école est l’interaction entre le corps professoral et les étudiants facilitée par […]

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Mounia, 45 ans

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2017-02-17T21:22:57+01:00
« Depuis que je suis à la SFU, je deviens actrice, et non plus spectatrice de ma vie. »

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2017-02-17T21:26:20+01:00
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